Le 7 octobre, la Cour constitutionnelle polonaise a affirmé la primauté du droit national sur la droit européen. Dénonçant « l’ingérence de la Cour de justice de l’UE dans le système juridique polonais », la présidente du tribunal, Julia Przylebska, a estimé que la Pologne ne pouvait pas fonctionner comme un Etat « souverain et démocratique » si l’UE avait son mot à dire dans ses affaires intérieures.
Cette décision de première importance dépasse les frontières polonaises.
Souveraineté et démocratie sont en effet intimement liées. Sans souveraineté, sans possibilité de décider soit-même de ses propres affaires, la démocratie devient un simple vernis dont la fonction est de faire accepter les décisions prises ailleurs — en l’occurence au sein des institutions européennes — en lieu et place des peuples concernés.
Voilà comment en France l’activité principale de nos députés revient à transcrire dans notre droit les lois européennes plutôt qu’à débattre, élaborer et décider des lois qui nous concernent.
La décision polonaise est une déclaration de guerre à l’union européenne qui repose sur une hiérarchie des normes, les règles européennes l’emportant sur les règles nationales dans les domaines relevant de sa compétence. En renversant cette hiérarchie des normes, comme le propose d’ailleurs fort justement en France Arnaud Montebourg, en faisant prévaloir le droit national sur les règles européennes, la Pologne ouvre la voie à un chambardement général.
Tous nos prétendus « démocrates » ont immédiatement condamné la Pologne, entretenant une confusion volontaire entre les principes qui sont universels — la souveraineté nationale — et la politique polonaise sur un certain nombre de questions avec laquelle ils se déclarent en désaccord. Dés lors qu’un état prend des décisions qui ne recueillent pas leur assentiment, l’état en question doit être sous tutelle. Voilà leur conception de la démocratie. La liberté pour certains, l’enchainement pour les autres.
Ce qui compte dans la décision polonaise, c’est simplement la reconnaissance que l’Union européenne ne peut pas s’immiscer dans le système judiciaire du pays. Et c’est précisément ce qui fâche.
Le commissaire européen à la justice Didier Reynders par exemple déclare que cette décision « met en cause plusieurs principes fondamentaux de l’organisation de l’Union ». Et de menacer : « Nous allons utiliser tous les outils à notre disposition pour faire en sorte que les principes fondateurs de l’Union soient respectés ». En d’autres termes, user de tous les moyens de pression possibles, financiers notamment, pour ramener la Pologne à une logique de soumission et démontrer aux autres nations que la seule voie possible est celle de la « servitude volontaire ».
Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune a jugé vendredi matin l’événement « gravissime ». C’est « une attaque contre l’UE » a-t-il commenté avant d’ajouter que « cette décision soulève le risque d’une sortie de facto de la Pologne de l’Union européenne ».
En réalité les craintes de tous ces europhiles sont légitimes. C’est la seconde fois au moins qu’une cours constitutionnelle remet en cause la légalité des décisions européennes. La première était allemande, la cours de Karlsruhe, sur la dette commune européenne et sur le programme de soutien de la BCE.
A six mois de l’élection présidentielle, cette question qui concentre le choix fondamental entre démocratie et souveraineté ou servitude et soumission, devrait occuper le débat....