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Les français infectés

samedi 5 mars 2022, par Robert POLLARD

Les français infectés

« Lors de la déroute de Cao Bang, la banque n’était déjà plus là, l’Indochine n’était qu’une écorce, une apparence de colonie ; il l’Administrateur l’avait tranquillement annoncé en conseil d’administration trois mois avant cette première défaite, trois mois avant les cinq mille morts. Et maintenant que la guerre était finie, perdue, la banque affichait une santé insolente, sa meilleure année… » Eric Vuillard ; Une sortie honorable. Actes Sud

IN-FEC-TÉS (par le Covid). Voilà l’expression passe-partout qui se répand dans les commentaires écrits et parlés des média nationaux, infection sémantique, banale désormais, il existe une catégorie d’individus des tous âges, des deux sexes, qui seraient INFECTÉS donc infréquentables, sauf à vouloir prendre le risque de le devenir soi-même. Non infecté vous êtes “Clean“, ce qui est clair c’est ce fond de mépris assorti de dégoût qui conduisent à la méfiance des uns envers les autres. Le tour est joué si je puis dire.

Il n’y a pourtant pas de quoi, les infectiologues de la banque et des réseaux afférents, auront remarqué la contamination infectieuse dont sont victimes les ministres en général, leurs sous-secrétaires d’État et autres petites mains au pouvoir, le tout supervisé par le plus atteint de tous, le Président de la France, des Français et de ses Ministres, surtout de ses ministres auxquels il est attentif de bien distribuer compliments ou blâmes à l’aune de leur souplesse et de leur rapidité de réactions à ses désirs qui sont des ordres !

Il a même été dressé une sorte d’organigramme, certes élémentaire, qui nous ouvre la porte des secrets du cercle fermé de ces influences et des synapses qui les font se mouvoir pour des actions aussi efficaces que possible en faveur… des plus capés, des plus riches s’entend, donc des plus puissants qui sont dans l’ombre et restent, quant à eux, inaperçus des observateurs pas forcément très curieux, car que deviennent les Arnault, Pinault, les Bettencourt, les Wertheimer et Besnier (dont on ne parle jamais dans la presse), Niel, Alain Mérieux, Drahi, Dassault et consorts ? Bernard Arnault pèse officiellement 150 milliards d’euros et le dernier des dix (Laurent Dassault) 7,3 milliards €, Bolloré dont on parle beaucoup en revanche, 7Md € (encore un effort Vincent : François, Paul et les autres te suivent, c’est le scénario qui le veut). Tous ces grands personnages, les cadors s’emploient dans l’ombre, à sauver le capitalisme en utilisant le dernier levier revenu à la mode, le “Libéralisme“ qui, bien manipulé, devient un mot sans fond dans lequel s’engouffrent tous les sens possibles qui ont trait à la Liberté, suivie de l’Égalité et de la Fraternité, souvent exaltée en Unité nationale ou Unité des Français… l’imagination en roue libre.

C’est exactement cela : le schéma de la Banque d’Indochine (dont les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’elle fut à l’origine des plus éclatants scandales des années cinquante et soixante, trafic des Piastres par exemple) dont les administrateurs avaient retiré les fonds de toutes les affaires indochinoises dans lesquelles la banque s’était autrefois impliquée, ayant prévu avec lucidité la fin inéluctable du conflit aux dépends la France — qui avait d’ailleurs engagé majoritairement des bataillons de l’armée coloniale, tirailleurs algériens, sénégalais, tabors marocains et supplétifs annamites — « au moment où elle (La banque d’Indochine) quittait l’Indochine, la guerre devint pour elle sa première source de revenus. » (E. Vuillard ; Une sortie honorable). Je ne peux m’empêcher d’y voir un exemple, parallèle miteux, avec l’exploitation… des EHPAD en période de pandémie (c’est la guerre disait le Président) : nous savons ce que fut le sort de ces garderies “du troisième âge“ dont une grande majorité des plus vieux allèrent très tôt rejoindre la cohorte des morts du “ COVID19 “, tout ce que cette situation macabre a pu générer comme discours compassionnels, impulsifs, profonds dénonçant le « Scandale des EHPAD » voués à devenir des mouroirs… et pourtant tous les jours ou presque, des pub insistent avec entrain sur la qualité des investissements en EHPAD ! « Votre argent mérite le meilleur. Bénéficiez d’un rendement entre 3,4% et 5,8%. Fiscalement avantageux » arnaque ? Pas toujours et, précisément, dénoncer la manipulation sans approche sérieuse de la réalité devient, à son tour, une arnaque.

La guerre profite aux audacieux, les morts rapportent aux vivants dénués de “savoir-vivre“. Il y a, en apparence seulement, une contradiction entre les banquiers de l’époque des guerres coloniales crapuleuses finissantes avec la réalité des guerres bien vivantes, sordides et inhumaines de notre époque. Sur le fond il n’est question que du rapport fructueux entre morts annoncés et vivants avides de dividendes, pour qui voudra s’y soumettre. Le 31 décembre 2021 l’éditorialiste des Échos constatait , « L’épidémie de Covid connaît un nouveau sursaut, mais les marchés actions enchaînent les records  » faisait-il semblant de s’étonner ou non, peut importe mais il eut une manière curieuse de s’interroger : « Déni de réalité ou reflet d’une réalité économique très favorable ? » semblait-il se demander. Voulait-il montrer qu’on pouvait légitimement douter des conclusions optimistes de la hausse des actions ou bien préférait-il penser que l’augmentation de la valeur des actions n’avait finalement que très peu à voir avec la crise dite “sanitaire“ mais qu’elle était le résultat d’une économie en excellente forme ? Ce qui voudrait dire que les mesures prises — notamment le confinement et autres interdictions — n’avaient en rien affecté “l’économie“. L’économie, c’est-à-dire ? La production de biens consommables ou les manipulations de capitaux en bourses, plus sûres que la roulette ou le Black Jack ?

Je me proposais d’en écrire encore un peu sur les foyers de pourriture réels, indécrottables quand surgit la guerre en Ukraine. Enfin en voilà une qui pourrait nous menacer ici même en Europe : un autocrate déplumé et grassouillet qui s’impatiente dans les lambris d’un tsarisme d’époque. Un personnage d’apparence autonome, tout droit émergé de la Loubianka KGB, qui déclenche une guerre contre un voisin mal arrimé à sa Russie, une Ukraine récalcitrante dont on dit, à tort ou à raison, que son mode de fonctionnement serait à tendance démocratique, un président élu, bien que Juif dans un pays que Poutine décrit comme dirigé par des « nazis et des drogués ». Mais qui prendrait ce type au sérieux hormis les victimes elles-mêmes ? Parler aux autres gouvernants pour ne rien dire, le knout en main, c’est la marque de fabrique des dictateurs affalés sous leur Arc de de triomphe. Dans les palais moscovites on ne parle ni n’écoute surtout, à moins de 20 mètres le Président au regard englué d’une paresseuse indifférence.

Pourtant Pierre Rimbert, journaliste et sociologue, co-fondateur d’ACRIMED (étude critique le la presse en général) qu’on ne peut soupçonner de sympathie pour la droite toute nue, encore moins pour l’extrême droite, écrit dans le Monde diplomatique de mars 2022 : « Un oubli entache le soutien qu’apportent depuis 2014 les grands médias occidentaux aux dirigeants ukrainiens dans leur face-à-face avec Moscou : la promotion par Kiev de politiques mémorielles révisionnistes et l’indulgence des autorités vis-à-vis des néonazis qui s’affichent dans l’espace public. ». Une idée qui fait son chemin et qui, comme d’habitude, risque d’envahir tout le champ de notre perception et de notre entendement tellement l’usage que l’on fait de ces rappels, plus ou moins sincères selon qui fait la remarque , encourage à ne plus voir des réalités que l’image convenue que l’on s’en fait. Après tout, l’Ukraine et les Ukrainiens ont fourni une aide active à la gestapo, aux SS, à la Wehrmacht pendant la guerre. L’État tient au chaud des restes consistants aujourd’hui : Place Maïdan… la fameuse révolution n’était-elle pas le signe d’une renaissance des forces du passé etc… C’est beaucoup plus simple comme ça. Et l’invasion des armées de Poutine ne serait déjà plus tout à fait une invasion mais presque une remise au pas prolongeant l’action (héroïque) de l’Armée Rouge… Le piège semblait grossier mais il pourrait néanmoins se refermer insensiblement à partir d’une lecture trop rapide, trop superficielle de vérités historiques avérées. Pour le moment il ne semble pas en être ouvertement question dans les médias nationaux, pour ce que j’en sais.

Mais là nous ne sommes pas loin d’être infectés par un virus que j’appellerai “l’Indifférence objective“. Pour autant, néanmoins, que la menace nucléaire ne se soit pas précisée outre mesure…

Robert