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Ça me rapporte combien de travailler ?

lundi 13 juin 2022, par Robert POLLARD

De Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances, ces propos relevés dans Capital (24/05/2022) «  il faut que nos compatriotes se disent, “ça me rapporte de travailler“, et pas “ça me coûte cher“ à cause du prix de l’essence. » voila qui tombe sous le sens, leprix de l’essence, au moins pour le commun des mortels qui ne participe pas à l’élaboration d’une politique de l’emploi et qui n’a jamais voté, ni donné son avis, aux aides (vertueuses), plus de 600 milliards, accordées aux entreprises à des fins d’augmentation les salaires et d’embauche et qu’il n’a pourtant jamais vu venir. Le commun est donc resté figé dans sa condition de modeste mortel et aurait dû subir la monté du prix de l’essence et maintenant l’inflation et l’augmentation de tous les prix sans piper mot seulement les élections se profilent, après l’affaissement du vainqueur présidentiel et un nombre d’abstentionnistes record, il faut s’efforcer de faire les bonnes promesses mais sans effaroucher les patrons et le MEDEF à l’affût, l’oreille tendue, le doigt sur la gâchette du service des Ordres, au stade où ils en sont voila qui commence à poser problème. S’y retrouve un ministre de l’intérieur qui n’a pas froid aux yeux et ne reculera certainement pas, même s’il devait violer la loi et une Démocratie chancelante !

Tout autour le carré des durs et vous avez les nuageux, qui se tiennent au centre, dans l’œil du cyclone, spécialistes du camouflage. J’y reviens, obstinément, je consulte Franc-Tireur * : deux femmes se partagent les honneurs, Borne côté face, Annie Ernaux côté pile. Borne pour la forme, pas le temps d’en dire plus le 18 mai sans doute. Ernaux c’est clair : « La star des lettres sera à Cannes avec son fils David pour leur film “Les années super 8“. Son autobiographie, “L’évènement“, vient d’être adapté au cinéma. Dommage que la citoyenne se drape dans des postures politiques aussi radicales. C’est moi qui surligne » celle qu’ils appellent « Nantie système » s’en prendrait trop vertement au système macronnien, celle-là ferait mieux d’en rabattre est-il sous-entendu par l’article d’une presque pleine page, un couloir étroit d’un quart de page, en lettres grasses quand même, étant réservé à Christophe Barbier ( photo noir et blanc : la nuit tous les chats sont gris, même l’écharpe rouge). En somme, ils reprocheraient à Annie Ernaux de cracher dans la soupe ? En ce domaine ils savent de quoi ils parlent, jamais on ne pourra leur en faire le reproche. Seule question restée en suspend : de quelle soupe parle-t-on dans un régime où tout se vautre dans tout ? Je m’efforce, en pareille circonstance, de toujours suivre la trace financière que prolonge l’économie, ligne perforante qui traverse le social et le politique comme un fer rouge. En l’occurrence, Bruno Lemaire reste l’incandescent ministre de l’économie et des finances, qui va redonner ses lettres de noblesse à la pauvreté de ceux pour qui le travail doit rapporter et non coûter. Dans le bunker de Bercy grouille un monde gris et discipliné — brillant et beau parleur à l’air libre — qui s’applique à réifier le profit et ses destinataires, capitalistes marmoréens, qui sauf exception, ne se montrent jamais ou très peu. Les médias en parlent quand ils sont en charge d’en parler, soit directement soit en référence à la qualité artistique de la fondation d’un milliardaire quelconque, à l’audace d’un autre, à la fermeté et l’austérité (apparente), à la charité proclamée (jamais vérifiée) de celui qui vole au secours d’une Cathédrale qui brûle et bien d’autres de fière allure… Tous ces plumitifs, “soldats de papier“, doivent se perfectionner dans les arts de l’illusion et du camouflage par la persuasion qui, cependant, n’est jamais très efficace sur le long terme.

Dans ces clapots rendus lourds par les pollutions idéologiques augmentées des crapuleries des uns et des autres de tous grades, apparaissent le glouton dévorant le système : tribun de talent, embobineur de métier, qui se présente comme un opposant radical, d’une rectitude mitterrandienne, millésime Épinay 1971, qui fait des promesses dont le premier venu sait « qu’elles n’engagent que ceux qui y croient  », surtout s’il s’agit de réformes qui viendraient assouplir, voire corriger le Système capitaliste, le plus souvent privé de son patronyme, il est à la mode d’appeler l’autre par son seul prénom, le Système donc. Dans l’atmosphère gazeuse revendiquée, de son regroupement, le Maître-enfarineur prétend taxer les grandes entreprises et les très grandes fortunes et parie que tout cet argent sera rendu aux salariés qui verront leurs fins de mois augmenter et les services publics et « écologiques  » renfloués. Tout cela se trouve expliqué dans le Libération du 26/05, qui ajoute, il est vrai, : « Macron échouera.“ Jean-Luc Mélenchon fait une promesse : en cas de victoire aux législatives et de cohabitation, il mènera sa politique en “bonne intelligence“ » Comment faut-il l’entendre la bonne intelligence ? « Comprendre qu’il ne sera pas question d’étaler ses divisions – notamment sur la politique étrangère, dominée par la guerre en Ukraine – publiquement. » Et comment faut-il comprendre cette injonction ? Tout dépendra de cette entente implicite avec son “adversaire respecté“, des résultats de :conciliabules discrets mais approfondis dans les salons de l’Élysée ? Que diable ! ils n’ont pas de “pudeurs de gazelles “eux. Soit, mais qui la gazelle, qui le bouc ? Cependant il faudra les prendre au mot : Prenez le pouvoir. En avant pour l’Assemblée constituante élue au suffrage universel !… on ne laissera pas passer l’occasion de les mettre au pied du mur… Il s’agit probablement là, d’une intuition insidieuse de ces commentateurs qui tirent sur Mélenchon avec une touchante unanimité, brandissant son tweet où il constate que «  la police tue pour refus d’obtempérer », la seconde partie de la phrase n’étant presque jamais citée, ce qui risquerait de les entraîner trop loin du but. Déconsidérer la candidature de la NUPES afin de ne faire courir aucun rique à la “démocratie“, en ce qu’une mise à l’épreuve de députés qui seraient majoritaires — trop nombreux, serait déjà insupportable — pourrait provoquer un regain de la lutte des classes qui deviendrait une réalité plus tangible qu’à l’époque des gilets jaunes, aux résultats redoutés. Les grèves de trente six en pire, un horizon spectral !

Expulsées du cadre bucolique d’un capitalisme compatissant, les dernières tueries américaines où 19 enfants et deux enseignants passèrent l’arme à gauche sous les balles d’un tireur de 18 ans qui venait de faire sa mue en achetant deux fusils semi-automatiques, pendant que la police, armée, faisait le pied de grue dans les couloirs de l’école attendant des renforts. L’article qui tue le plus ne s’achète pas dans les armureries mais plane au-dessus de l’Amérique toute entière : le deuxième amendement de la Constitution, suffisamment imprécis pour qu’on puisse tout lui faire dire et un peu plus, ayant trait aux milices qui au XIXème siècle étaient constituées dans le cadre de la conquête (féroce) des territoires qui constitueront les États-Unis d’Amérique, férocité particulière au Texas et en Californie et les territoires de tribus autochtones installées bien avant la « conquête de l’Ouest » , ce conte féérique largement répandu dans le monde et qui continue de l’être.

Indépendamment de toute comparaison, force est de constater (avec Mélenchon) que chez nous la police a de plus en plus la gâchette facile. Contamination venue des Amérique ? Les morts ne peuvent plus témoigner, les rescapés, les éborgnés et les amputés, le peuvent. Dans la rue presque en solitaire ou dans les convulsions du bruit et de la fureur des tirs en rafale de gaz lacrimogène et de LBD, les “Forces du maintien de l’ordre“ — ou de l’organisation du désordre — faisant leur travail : celui qui leur est demandé. La beauté de l’Univers viendrait du désordre qu’il engendre, d’après l’hypothèse de l’astrophysicien David Elbaz. Extrapolant on se dit qu’il y aurait là un véritable et puissant paradoxe du Système capitaliste sa force et sa beauté ne pouvant venir que d’un désordre inlassablement renouvelé !

FRANC-TIREUR (façon de parler) : y logent Christophe Barbier, Raphaël Enthoven, Caroline Fourest (qu’allait-elle faire dans cette galère ?)

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