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Sportez-vous bien

jeudi 12 janvier 2023, par Robert POLLARD

Sportez-vous bien, après la fin de la Qatarsis enluminée 2022. La France (et les autres) en bleu, en blanc, en rouge a caracolé sur les pelouses verdoyantes d’un désert du Golf persique. Les cimetières anonymes perdus dans les sables ont reçu leur part de chair et de muscles et de cerveaux qui auront servi à monter cette grande farce des jeux du sport qui consiste, intrinsèquement, à courir derrière un ballon sphérique très adroitement, très rapidement, très spectaculairement pour au final amasser des picaillons, pour les plus chanceux, pour l’élite de ce qui ne serait qu’un jeu, qui n’aurait rien à voir avec la politique, la morale et l’empathie : un jeu de dupes mondial. Justement parce que ce n’est pas politique Jupiter descend sur terre et s’en va bader et applaudir l’Équipe bleu-blanc-rouge et surtout remercier ses vaillants mercenaires si richement dotés, qui font honneur à… ? Là j’hésite, là je ne sais plus quoi dire : on prend la chose par quel bout ? Celui de la banque, celui des profits qui sont immenses et auront sorti les plus pauvres d’entre eux, la maigre trentaine de footballeurs d’élite, de la pauvreté ? Celui des Platini et Blatter, Havelange et Hayatou et pour le moment Infantino, cette FIFA qui est réputée « Association sans but lucratif » ? Celui du Maroc qui crée la divine surprise, quel bout serait le bon ? Tant il est vrai, comme le dit Eric Betend (Centre d’analyse du sport CACS), « Depuis des dizaines d’années, des travaux de sociologues, philosophes, historiens, etc. ont montré qu’en sport on parle de ce qui n’existe pas pour ne pas avoir à parler de ce qui existe. ». Pyramide exemplaire qui pourrait brillamment figurer au centre de l’architecture de Doha, de béton et de verre opaque, au cœur d’une construction financière faite de silences et de secrets, de froufroutements venus des quatre coins du globe : ce qui existe et dont on ne parle pas, ou si peu, si superficiellement.

Le temps s’est écoulé un peu plus longuement que d’habitude entre le moment où j’écrivais ce qui précède , avant même la fin du

barnum qatari, et la reprise d’une nouvelle année accompagnée des vœux les plus chers, les plus conventionnels de nos “dirigeants“ politiques. Les Grands fouteux, les plus insolemment riches d’entre les sportifs de Haut Niveau — qui fixe le niveau ? Quel comptable démoniaque en détermine le montant ? — les bleus blanc rouge ont courbé l’échine, leur contrition fait peine à voir et à entendre et pourtant le monde du foot continue d’avancer triomphalement, raffermi dans sa puissance d’attraction. Je ne peux m’empêcher de revenir sur la déclaration de cet ancien secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, « Un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde » (Franc-Tireur 23/11/2022) : époque où le foot avait obtenu la quasi exclusivité des titres de la grande presse papier et télévisuelle. Epoque ou le Qatar, la Coupe et les réalisations spectaculaires dans le domaine de la construction de stades climatisés de plein air, de morts consécutifs et de pratiques mafieuses sur la personne du travailleur venu de loin, convaincu d’avoir fait une affaire, l’affaire de sa vie. Il se retrouve emprisonné au Qatar, quand on a lui confisqué le passeport, notamment, et qu’il doit sous un soleil de plomb, subir une surveillance étroite l’empêchant de communiquer avec les journalistes étrangers. Or, la déclaration cynique de Valcke ne vaut pas, à bien y réfléchir, seulement pour une dictature des sables orientale, elle est historique : estampille favorablement le troisième Reich, implicitement elle souhaiterait que d’autres régimes dits démocratiques évoluent favorablement vers des horizons dictatoriaux. « Quand on a un homme fort à la tête d’un État qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c’est plus facile pour nous les organisateurs qu’avec un pays comme l’Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux » (Wikipédia), c’est évident autant que peut l’être l’implication du sport en général, de haut niveau en particulier, dans le politique au sens immédiat et radical du terme. Déclarations tout à la fois naïves et perverses,

elles ne seront pourtant jamais analysées sur le fond, même si certaines chroniques qui pouvaient lancer le débat, furent écrites : « Aujourd’hui les pays émergents les plus riches deviennent les parrains financiers du sport mondial. Ils accumulent une forme de pouvoir économique mais aussi politique » écrivait Alan Frachon dans sa chronique du Monde le 16 décembre 2022. Pratiquement il s’arrêtera là. Dans une sorte de précipitation asservie le quotidien de référence est passé à autre chose. Ça s’appelle tirer son épingle du jeu. Le « sport mondial » continue à prospérer tranquillement à l’abri des regards inquisiteurs. Préparons en toute sérénité les Jeux olympiques de Paris, la mairesse s’en réjouit et l’ Économie batifole dans l’imaginaire, les hommes de la politique fourbissent leurs armes et choisissent leur place à la table du gueuleton. Les Hommes d’Affaires ont sorti leurs prévisions et leurs calculettes et tirent des plans sur la comète pour tenter de monopoliser les gains en dividende et en pouvoir, surtout en POUVOIR, pour eux-mêmes et les les plus gros actionnaires du CAC40. Macron-Jupiter quant à lui joue le chien de garde s’il faut enfumer les voyeurs les gros bonnets de la bourse peuvent compter sur lui, l’enfant de la banque.

Le Foute donne peut-être des idées de tactique retorses aux politiques quand il s’agit de passes en retrait pour se dégager de la pression du camp adverse. C’est le sentiment qu’on en a lorsque la discussion sur l’âge de la retraite, principal, voire unique point d’achoppement selon les syndicats unis (pour la première fois depuis longtemps etc.), passerait de 65 ans à 64 ans ! Sous la pression des troupes syndicales mobilisées en masse le gouvernement “pourrait reculer“, c’est en cela qu’il ferait un pas en avant pour satisfaire la CFDT d’abord, les autres ensuite lui emboîtant le pas. C’est ainsi que sont plus ou moins suggérées les choses dans la presse nationale. Le fond du problème étant qu’il n’y a aucune raison de toucher à quoi que ce soit du système actuel des retraites qui n’est menacé que du point de vue de l’aristocratie patronale.

Beaucoup se pressent au portillon pour débiter, sur un ton plus ou moins talentueux, des critiques à ceux qui s’opposent à la modification du service des retraites au nom de la comparaison avec les voisins : chez certains on pointe 65 ans avec 67 à l’horizon proche, déjà 67 chez d’autres avec un 70 en perspective… et nous serions les derniers dans la course à la fabrication du profit — toujours maximum pour les plus riches, les plus actionnaires — à moins que nous soyons les premiers à montrer l’exemple ? Personne ne semble admettre cette… hypothèse. Pourtant elle devrait s’imposer sans rumination, sans faux-fuyant avec, au contraire, une recherche obstinée de sa consolidation, un prosélytisme décomplexé. « La puissance française — son industrie, ses grands monopoles, ses services publics — a été sacrifiée pour garantir les intérêts d’une caste que les protections sociales et le pilotage par la puissance publique au nom du bien commun gênaient dans leur entreprise d’accumulation du profit. Ce n’est pas un “déclin“, fruit de la fatalité. C’est une destruction planifiée. (souligné par moi) » Natacha Polony (Marianne 12 au 18/01/2023), voilà qui est clairement écrit et qui tombera sous les yeux des opportunistes qui ont un plan de carrière auquel ils ne dérogent pas… pour le moment. C’est à cela que l’Europe contribue, la casse des États monopolisant le secteur public, politique définie par le Conseil européen dans lequel se retrouvent TOUS les chefs d’État de 27 pays de l’Union. Ils savent donc ce qu’ils font et ce qu’il ne faut plus faire dans leurs pays respectifs, nonobstant quelques marges de manœuvre possibles en fonction de discussions postérieures à leurs décisions solennelles. Discussions très confidentielles il va de soi. Dans quelques Lettres précédentes j’avais eu l’occasion de pointer cet exercice de haute voltige hypocrite auquel s’adonnent ces grands Chefs d’État.

Politique et sport sont donc liés par ces pratiques rampantes, illicites pour l’essentiel, les besoins sont les mêmes pour les uns comme pour les autres, les structures de direction sont quasiment identiques, les méthodes sont assorties aux besoins. La guerre des egos semblent tenir le devant de la scène quand se joue en coulisse un autre scénario, une danse du ventre devant le coffre-fort, accompagnée de serments d’allégeance aux distributeurs de fortunes… Ces mentors s’ébattent avec plus ou moins de réussite selon leur talents respectifs, adressent ostensiblement leurs prières aux Commandeurs de référence, pas encore oubliés, De gaulle bien sûr adoration devenue presque unanime, Mitterrand avec ferveur, ou Chirac le tendrement regretté, l’excitation sarkozienne a ses fidèles, Macron, quant à lui, construit son mausolée dans l’incertitude d’un futur crépusculaire. Ces deux sphères se pénètrent par le biais de l’exaltation des vertus sensées constituer la trame sportive de “Haut niveau“, encouragée par une rétribution à la hauteur des retombées attendues sur la vente d’une marque, d’un produit, mais pas seulement : le joueur réputé véhicule symboliquement la force éblouie d’un État, d’une Entreprise nationale, d’un savoir faire et de bien d’autres qualités intrinsèques d’ouverture au marché, d’implantations immobilières… le mépriser c’est s

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