Accueil > Tribune libre > Néo : Le même qu’avant en pire

Néo : Le même qu’avant en pire

lundi 30 janvier 2023, par Robert POLLARD

Quand la nouveauté se dévoile aux yeux de tous elle risque de devenir dangereuse : à trop comprendre on discerne les menteries galantes. Le néolibéralisme cache l’ancien qui lui-même dissimule la « bête immonde » qui a montré ce dont elle était capable. Le Capitalisme se réfugie derrière les voiles pudibonds des préfixes, cela ne lui suffira plus tant son destin nous devient évident, il se prépare à guerroyer dans une savante et précautionneuse mise en scène de défense du faible. Les pays du Néolibéralisme prennent l’Ukraine en compassion et lui apporte aide et conseils, chars lourds ou pas, fusées, canons, comptant sur la prise éventuelle des ressources, dont le lithium, mais pas seulement. « Le rapprochement des gouvernements ukrainiens avec les puissances occidentales a permis aux États-Unis et à l’Union européenne de planifier l’extraction des matières premières de ce pays. » (Reporterre cité par la Tribune des Travailleurs 18/01/2023), elles sont nombreuses et stratégiques ces matières premières, outre le lithium, le titane, le cuivre, le cobalt, on comprend mieux la politique anti syndicale et, au final, anti ouvrière amorcée par le gouvernement ukrainien. Lui aussi avance masqué grâce à une utilisation frénétique de la télévision et de la vidéo, par Zelenski tout aussi dissimulé quant à ses objectifs à long terme que Poutine autocratique l’est des réalités de sa guerre et de sa politique de répression. Un terrible remue-ménage depuis Moscou, Kiev, Washington et Bruxelles, chacun poussant ses pièces sur l’échiquier international, dont il ne faut négliger ni Ankara, ni Téhéran, ni Pékin Bejing en toute discrétion eu égards aux problèmes spécifiques de la Chine avec ses 1 milliard 500.000 Chinois recensés dont des centaines de milliers ouvriers et paysans qui subissent une exploitation primitive à la hauteur de l’accumulation du néo-capital.

Sur ce, le problème des retraites et retraités de chez nous paraîtrait dérisoire sauf qu’il s’agit, ici aussi, d’une guerre entre ceux qui possèdent et ceux qui se vendent en offrant leur travail une vie durant. Avec plus ou moins de succès, il faut le remarquer, parce que ce commerce entre la vie et la mort est loin d’être «  libre  ». Il s’agit moins de négocier sa force de travail avec celui ou ceux qui seraient susceptibles de l’acheter, que de tendre la main chargée de savoir-faire vers de beaucoup plus riches et plus puissants que vous, lesquels vous imaginent en machines (humaines) à produire de la richesse c’est-à-dire du Profit, pour plus de précision. Ce sont eux qui règlent les conditions de l’exploitation de celui ou celle qu’ils embauchent, ces conditions peuvent changer, ils peuvent “délocaliser“, “dégraisser“, “réorganiser“ la production en fonction du Profit supplémentaire qu’ils comptent en extraire.

La question les taraude, en surface, au point de s’interroger : « Les riches rendent-il pauvres ?  » (Franc-Tireur n°63), procédé ainsi relève de la fourberie, donnant l’illusion de tout dire en peu de mots, elle ne dit rien de la réalité qu’ils dissimulent. La réalité commencerait par l’honnête précision caractérisant les «  pauvres  » pour ce qu’ils sont : travailleurs salariés, ouvriers, paysans encore en activité ou au chômage ; ne pas suivre non plus, d’un air entendu, les chemins buissonniers du raisonnement en affirmant que ce sont «  surtout les effets du quoi qu’il en coûte“ et du rachat de titres de dettes par la BCE qui, faisant baisser les taux d’intérêt en faveur des Bourses, ont provoqué un renchérissement des actions » donc un enrichissement des plus riches par l’effet de vases communicants, c’est bien pour cela qu’ils ont dans leurs réserves des Actions ces messieurs-dames ; encore faudrait-il se demander comment se fabrique l’action en temps ordinaires, comment prospère-t-elle en période de marée étale… question idiote, sans fondement, si l’on en croit ce qui est écrit plus loin : « La valeur d’un titre en Bourse est décorrélée de la question de la pauvreté et se prête mal à une fiscalité extensive ». Fiscalité qui peut être appliquée en revanche, sur les profits. Heureux comme un riche en Bourse, en regard de quoi toutes les possibilités de transfert de ses “gains“ engrangés à la sueur de leurs fronts — ceux des travailleurs et travailleuses — lui seront offertes au travers de multiples manipulations comptables et sociétés écrans délocalisées.

Heureusement les retraites sont là pour compenser toutes les dettes (globalement environ 3 000 milliards actuellement) et leur remboursement à des taux usuraires. L’outil polymorphe par excellence, les retraités du futur comme certains aujourd’hui, représentent un troupeau de mammouths bons pour le dégraissage. D’une façon ou d’une autre leur “rendement“ sera bonifié, ils devront cracher cette vie de nabab qu’ils ont pris l’habitude d’entrevoir ou de vivre avant ou après l’âge béni de la retraite. Apparemment ils ne sont plus exploités systématiquement aux heures fixées par l’exploitant mais ponctionnés. Les «  experts » commentateurs avisés, c’est leur label, « ne pas mettre en œuvre la réforme des retraites serait risqué vis-à-vis des investisseurs qui prêtent à la France. » (Le Monde, 10/01/2023) forcément, il n’y a rien là que de très naturel dans un système capitaliste qui se dit néo-libéral, quand l’argent se reproduit sans effort, se regénère dans l’intérêt miraculeux de la financiarisation. Je te prête une certaine somme, tu me rembourses avec les intérêts (plus ou moins élevés selon les circonstances), tu fais travailler le Capital te dis-je. Moralement impeccable, pratiquement inapplicable. Il n’y a aucun point commun entre les deux, c’est ainsi que ces Hommes vivent.

Partout dans le monde des tempêtes se lèvent. Ou bien pas de problème avec la retraite : c’est la mort prématurée de la main qui ne peut plus œuvrer. Ailleurs ils ont pris les devants et certains, comme en Suède, mais déconseillent du bout des lèvres d’adopter leur système (Le Canard enchaîné 25/01/2023), chez nous les gouvernants, sous la tutelle de Jupiter, se déchaînent dans un langage ampoulé, enfumé, certains experts, qui décrivent des retraités avec de bonnes retraites qui ne peuvent pourtant pas durer. Alors quand ils seront rentrés dans l’ordre des choses, que leur niveau de vie sera normalement redevenu plus bas que « l’ensemble de la population  » rien n’aura été réglé ; commode et presque digeste l’utilisation du terme “population“ Arnault (l’homme le plus riche du Monde d’après Forbes) fait partie de la population française, de même que plus de cents autres à la richesse indécente… revenir au statu quo ante en somme : les riches tout en haut et les autres le plus bas possible, bien qu’existent des échelles (qui ne sont pas des ascenseurs) hiérarchiques pour le bas comme pour le haut dont les bases sont toujours beaucoup plus larges que le sommet. En bas la tendance est de descendre plus facilement qu’on ne monte, en haut on se déplace à l’inverse : les riches deviennent de plus en plus riches échelon par échelon. Quand il devrait y avoir embouteillage de part et d’autre, on pourra déclencher le chaos en se servant des chairs à canon du bas, à la manière de Poutine par exemple, sans pour autant négliger les destitutions sommaires et individualisées chez les riches devenus trop gourmands. Alors on verra ça comme des règlements de compte, durant que tout en bas on massacrera au nom de la Nation, de l’Héroïsme, de la Légitimité. Discours majuscules aux grimaces sombres et héroïques.

Robert Pollard