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Esterno notte : retour sur l’affaire Moro

vendredi 7 avril 2023, par Denis COLLIN

Dans Esterno Notte, série diffusée sur Arte, Marco Bellocchio revient sur l’histoire de l’enlèvement et de l’exécution en 1978 du président de la Démocratie chrétienne italienne, Aldo Moro. Bellocchio avait abordé cette histoire dans un beau film de 2003, Buongiorno Notte qui se passait presque entièrement dans l’appartement romain où l’équipe des Brigate rosse détenait Moro. Bellocchio s’était basé alors que le livre écrit par l’une des geôlières de Moro, Anna Laura Braghetti. Cette fois, l’histoire est racontée de l’extérieur et le cinéaste nous prévient qu’elle a été retravaillée artistiquement. Le fil directeur est le regard de Francesco Cossiga, ministre de l’Intérieur de l’époque qui deviendra plus tard président de la République. Cossiga était un ami de Moro.

L’arrière-plan de l’affaire est connu : Moro était favorable à la proposition de « compromis historique » formulée par le dirigeant du Parti communiste de l’époque, Enrico Berlinguer, qui aurait pu déboucher un gouvernement de coalition DC -PCI. Ce dont les Américains ne voulaient absolument pas. Hasard « heureux » : les Brigades rouges (BR) enlèvent Moro, lui font une dégoûtante parodie de procès et l’exécutent. La CIA n’a plus rien à faire. Les abrutis de l’extrême gauche, comme d’habitude, font bénévolement (ou pas) le sale boulot. L’exécution de Moro va marquer un tournant. La DC et le PCI vont commencer à se désagréger et une nouvelle scène politique, plutôt moins ragoûtante que l’ancienne. La DC et le PCI, quoi que l’on puisse penser de leur ligne, de leurs compromissions et de leurs magouilles, étaient des partis populaires. Ils vont être remplacés par des « partis-entreprises » (voir le livre de Mauro Calise, Il partito personale. I due corpi del leader).

Les BR et groupes assimilés n’avaient que peu de soutien dans la classe ouvrière. C’étaient des partis d’étudiants et d’intellectuels (professeurs, écrivains…). Il y avait bien en Italie à l’époque une radicalité ouvrière, mais c’est ailleurs qu’elle s’exprimait, sur le terrain de la lutte des classes, dans les mouvements « opéraistes ». Les terroristes se pensaient investis de la mission de régler les comptes aux capitalistes et à l’État en lieu et place du peuple. Comme de coutume, les intellectuelles savent tout mieux que tout le monde ! En dépit de leur idéologie différente, ces gens se comportaient comme leurs « adversaires » et notamment les groupes d’extrême droite, auteurs, eux aussi, de sanglants attentats. Aux mieux, pour les plus sincères, ils ont été les idiots utiles de services secrets et des animateurs de la « stratégie de la tension ». Ils ont aussi été manipulés par les services secrets de l’Est (Tchèques notamment) et ont noué des liens avec certains groupes mafieux.

Comment des gens peuvent froidement abattre les gardes du corps de Moro ? Pasolini a tôt repéré chez eux le nouveau fascisme qui s’appelait « antifascisme ». Le « marxisme léninisme » qui ne connaît d’autre règle morale que le dévouement à la « cause » (en Italien, on dirait « cosa nostra… ») prédispose, d’autant plus que les ML possèdent la « vérité scientifique ». On a retrouvé les mêmes traits chez certains groupes trotskistes latino-américains, notamment l’ERP-PRT d’Argentine. Une analyse sociopsychologique serait fort utile.

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